MARIA NOVELLA DEL SIGNORE
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Principe de chromodynamique.
Jean François Lyotard, 1979

Prenons deux séries des obcts que Maria Novella Del Signore propose: les papiers encartés et les voiles. Tout semble les opposer.
Les uns sont énergiquement cadrés, les autres n'offrent aucune forme d'enfermement.
Ily a un endroit et un envers dans les premiers, les seconds n'ont pas de face et pas de dos.
Appliqués au mur, les papiers cachent ce qui les supporte; les voiles au contraire par leur tranparence et leur souplesse laissent toujour apercevoir ce qui les entoure et ce qui les retient.
La valeur chromatique et plastique des papiers est indépendante du contexte, excepté l'éclairage, tandis que non seulement la lumière, mais la teinte du jour, la mobilité de l'air, le passage des visiteurs, modifient les valeurs, les formes etjusq'aux couleurs des voiles.
Le regard doit se concentrer pour extrair des sévères plages blanches ou noires les petits fragments de papier coloré qui en forment le foyer. Au contraire il doit se disperser et n'arrive pas à se fixer quand il cherche à s'emparer des insaisissables rythmes formels et chromatiques des voiles.
Bijoux enchâssés d'un coté, nuages éphémères de l'autre?
Pourtant ces deux sortes d'objects sont en relation. Les papiers sont des fragments de feuilles apposés derrière les voiles en écran quand l'artiste projette ses couleurs sur ceux-ci.
La façon dont les tons se sont disposés sur la feuille résulte du même geste qui les a projetés sur le voile.
C'est donc la même palette chromatique ici et là, et c'est le même geste. Simplement la trace en est recueille sur deux plans qui ne sont pas à la même distance de la main.
Les formes présentées par les voliles sont souvent des "bonnes formes", lisibles, reconnaissables, symboliques. Mai quand les jets de peinture qui les tracent touchent les papiers du fond, les dispositions chromatiques sont tout autres.
Tout à coup, l'on voit tout ce qu'il a fallu de "couleur dépensée" pour obtenir de la couleur "ordonée". Les représentations sur les voiles, du moin quand ils sont une fonction symbolique, sont comme du travail, tandis que les nuages chromatiques qui s'inscrivent sur les papiers sont les déchets du travail: la chaleur.
Couleur "utile", couleur "perdue" dans le fonctionnement de la machine chromodynamique que forment l'artiste et ses "bombes".
Mais alors les rapports simples, que nous venons d'énumérer, entre papiers et voiles, s'enversent: ce n'est plus le papier qui est "classique" et le voile "indeterministe". L'organisation chromatique du papier est souvent encore plus flottante, plus aléatoire, que celle du voile quand celui-ci "veut dire" quelque chose, il forme un système; mais le papier montre un fragment, à plus petite échelle, du même matériau, et l'on découvre que l'ordre des formes systématiques est constitué par le mouvement aléatoire des particules chromatiques.
Finalement, par un seul geste de projection de couleurs. Maria Novella nous fait découvrir l'indétermination de deux manières: l'une va vers l'immense, l'autre va vers le minuscule.
Celle qui est associée aux voiles connote un univers en expansion, avec ses systèmes formels lisibles mais dont l'instabilité est suggérée par le support flottant et le matériau gazeux.
L'indétermination microscopique est au contraire chromographiée sur les fragments de papier placées sous la lentille des petites vedute ouvertes dans les cartons bancs ou noirs.
L'une et l'autre excèdent le vouloir-dire ou le faire des bonnes formes, tantôt par le trop, tantôt par le trop peu.
Comme tous les artistes contemporains qui ont une importance, comme Cage, comme Gertrud Stein, et comme les scientifiques. Maria Novella expérimente aux limites du répresentable; elle cherche "l'inhumain", comme disait Apollinaire.